C’est quelques jours après la fin de la séquence sur les retraites à l’Assemblée nationale que je rédige cette première note de blog. La première manche de la bataille parlementaire s’est ainsi achevée sur une victoire, et pas des moindres : l’Assemblée nationale n’a pas adopté la retraite à 64 ans. J’invite les personnes qui me lisent à aller consulter les notes de Manuel Bompard, Danièle Obono et Jean-Luc Mélenchon, qui ont aussi dressé le bilan des deux semaines passées. Ce texte vient en complément de celles-ci.
Début janvier, Elisabeth Borne annonce par une conférence de presse que les Françaises et les Français devront travailler jusqu’à 64 ans. Commence une bataille à la fois sociale, politique et philosophique sur le sens de la vie et du travail : Les gens doivent-ils consacrer toute leur vie au travail ? Le travail doit-il être le seul horizon ? Nous considérons que nous produisons suffisamment par le travail pour pouvoir libérer du temps et faire autre chose que travailler. La France Insoumise en particulier et la NUPES en général portent la retraite à 60 ans, la diminution du temps de travail et la création d’emplois dans les secteurs social et écologique. Par ailleurs, dès le mois de janvier, les mobilisations à l’appel de l’intersyndicale unie sont massives et spectaculaires.
Le premier article du projet de loi est, sans originalité, une attaque portée sur les régimes spéciaux. Les mêmes Macronistes prenaient ces régimes spéciaux comme prétextes pour supprimer la retraite par répartition et instaurer le système de retraite à points en 2019. Le ton est donné : personne n’échappera à la réforme. Sous prétexte d’« équité », tout le monde devra travailler 2 ans de plus sans distinction : les hommes, les femmes, les carrières longues, les régimes spéciaux. Rappelons que les régimes spéciaux ont été le fruit de négociations, de luttes, de grèves pour faire valoir une pénibilité dans le travail qui justifie de pouvoir s’arrêter de travailler plus tôt. Puis, une première victoire : l’Assemblée nationale rejette l’article 2 sur l’« index senior ». En n’envisageant aucune mesure contraignante ni aucune sanction, cet index n’était qu’un écran de fumée, un vœu pieu, et même un coup de communication.
C’est deux jours après le vote sur l’article 2 qu’a lieu à Montpellier le meeting de Jean-Luc Mélenchon, en présence des trois députés de l’Hérault. Le succès de cette soirée a été un signal double. D’abord, pas moins de 1.400 personnes ont fait le déplacement de Montpellier, Béziers, Lodève, Frontignan, Sète, Lunel, mais aussi des départements voisins. Il a fallu ouvrir une deuxième salle tant l’affluence dépassait nos prévisions. Outre les aspects logistiques, tous ces gens attendaient visiblement quelque chose de ce meeting de La France Insoumise pour les retraites : un retour de la bataille à l’Assemblée sûrement, un discours encourageant pour la suite de la bataille peut-être aussi. Cette attente a dépassé Montpellier puisque de nombreuses personnes ont aussi regardé le meeting en ligne, soit en direct, soit en replay, si bien que le lendemain vendredi 17 février, plus de 50.000 vues étaient enregistrées.
Pour nous, qui menons la bataille à l’Assemblée, ce meeting a aussi été le signe que notre stratégie était la bonne. Pris dans l’enchaînement parfois très rapide des événements, nous n’avons pas toujours l’occasion de prendre le pouls des réactions à notre action parlementaire. En défendant les régimes spéciaux, en montrant l’hypocrisie de l’index senior, en proposant d’autres formes de financement de la retraite, nous avons tenu bon. Jusqu’à la dernière minute de la journée de débat, vendredi 17 février, nous avons expliqué comment on pouvait taxer les milliardaires, mettre à contribution exceptionnelle les superprofits, les dividendes, les entreprises pétrolières. Nous avons mis le gouvernement en difficulté : jamais les Ministres n’ont pu nous indiquer précisément combien de personnes toucheront la soi-disant pension minimale de 1200€, jamais ils n’ont pu indiquer si le « dispositif carrières longues » exige 43 ou 44 annuités de cotisation, il n’a jamais contredit le fait que les femmes seraient les grandes perdantes de cette réforme. On a d’ailleurs senti Olivier Dussopt quelque peu fatigué vendredi à minuit lorsque nous avons quitté l’hémicycle en chantant cet air désormais emblématique « On est là » pendant qu’il s’époumonait au micro.
Depuis, le Président Macron s’est senti obligé de sortir de son Palais pour essayer de vendre tant bien que mal son projet de retraite à 64 ans à Rungis. Le voilà entouré de bouchers apparemment ravis de se lever tôt le matin et de savoir qu’ils devront bosser 2 ans de plus. C’était sans compter sur notre députée insoumise, Rachel Keke. Celle-ci a interpelé Emmanuel Macron sur son trajet bien préparé et, devant les caméras, a rappelé ce qu’est la pénibilité au travail. Encore un coup de com’ loupé pour Macron.
Mesurons que le moment politique que nous vivons n’est ni ordinaire, ni anodin. Il se joue un affrontement essentiel entre le capitalisme productiviste et le camp social. Désormais, la bataille se poursuit au Sénat et, surtout, dans la rue. Un seul mot d’ordre : le 7 mars, on bloque tout !